Charles-Geneviève de Beaumont chevalier d’ÉON. L.A.S. (minute signée en tête « Mademoiselle D’Eon »), Paris 28 octobre 1777, au baron de Bon ; 4 pages in-fol. Longue et extraordinaire lettre, pleine d’esprit et fort amusante, au sujet de sa métamorphose en femme, organisée par Rose Bertin, la couturière de la Reine Marie-Antoinette, chargée de tout l’habillement féminin du chevalier ; ceci en vue de la présentation de la chevalière d’Éon à la Cour de Versailles. [Le chevalier d’Éon, après son long séjour en Angleterre, arriva à Versailles le 17 août 1777 en tenue de capitaine de dragons. La Reine Marie-Antoinette l’aperçut et voulut qu’il lui fût présenté sous le costume féminin. Le 23 novembre, D’Éon, avec des membres de cyclope, de la barbe, et des gestes de soldat, parut donc devant la Reine en robe montante, toque de velours noir, cheveux coupés et poudrés.] Cette minute est intitulée : Lettre de Mademoiselle D’Eon à son ami le Baron de Bon, Colonel à la suite du Régiment d’Autichamp Dragons, depuis Maréchal de camp & Ministre plénipotentiaire de France à Bruxelles. Elle se complète de nombreuses et importantes additions dans les marges. D’Éon raconte à son ami le Colonel de Bon, dans un style qu’il veut entièrement militaire, sa métamorphose : « le 21 du courant, fête de Saint Ursule vierge & martyre, Mlle Bertin avec sa troupe d’élite que je ne considérois d’abord que comme un corps d’observation a fait une marche forcée pendant la nuit et à la pointe du jour par surprise & par force s’est emparé de ma personne & de Moncontour seule place fortifiée qui me restoit dans mes païs-bas ». Long et pittoresque commentaire dans le même style guerrier pour raconter comment, sur ordre de la Cour, la place fut forcée par Mlle Bertin, « surintendante du genie de la toilette de la Reine & des fortiffications de sa Garde-robe »… Il raconte aussi sa ronde de nuit, avant l’attaque : « Je fus fort étonné d’entendre crier Alte-là mon brave Capitaine, vous me prenez par les tétons. C’étoit ma fille de chambre Geneviève Maillot qui m’a déclaré qu’elle était somnenbule [...] il m’est deffendu de porter casque & cuirasse […] Le fichu de la modestie même celui de Ste Therese n’est guère propre à parer le coup de mousquet »… Il en vient au récit de sa « dissolution totale » et des changements opérés par Mlle Bertin : « Elle a dabord produit le licenciment de tous les habits & manteaux rouges de ma garde-robe y compris les vestes & culotes de peau de chamois, les bottes & les éperons, les pistolets, épées, sabres & carabines. En cet état une fille a beau avoir été Capitaine de Dragons, quelle deffense peut-elle faire avec du file & une aiguille. Un eventail est un triste boulevart, une juppe est un foible rempart, elle n’est bonne que pour arborer pavillon blanc [...] On parle de me mettre au couvent à Versailles pour m’instruire de la nouvelle tactique qu’il me faut apprendre pour entrer dans la Compagnie franche des filles d’honneur de notre Auguste Reine. Que de file j’aurai à retorde. J’aimerois autant aller chez ma mere planter mes choux »... Il rend cependant hommage à l’aimable Mlle Bertin « qui a un esprit aussi bon que son cœur & qui saisit toutes les occasions de rendre à la Reine un temoignage favorable de Mlle D’Éon qui doit renoncer à l’infanterie, à la cavalerie & à l’etat major du Marechal de Broglie & ne plus songer qu’a se mettre sur un pied respectable pour plaire aux Troupes legeres de la Reine. Je ne vois point encore l’intention prononcée du Roi sur mon sort ulterieur, en attendant il veut que je sois dressé & formé sur la decence requise d’une femme avant d’etre presenté à la Cour. » Évelyne et Maurice Lever, Le Chevalier d’Éon, une vie sans queue ni tête (Fayard, 2009, p. 247).
Charles-Geneviève de Beaumont chevalier d’ÉON. L.A.S. (minute signée en tête « Mademoiselle D’Eon »), Paris 28 octobre 1777, au baron de Bon ; 4 pages in-fol. Longue et extraordinaire lettre, pleine d’esprit et fort amusante, au sujet de sa métamorphose en femme, organisée par Rose Bertin, la couturière de la Reine Marie-Antoinette, chargée de tout l’habillement féminin du chevalier ; ceci en vue de la présentation de la chevalière d’Éon à la Cour de Versailles. [Le chevalier d’Éon, après son long séjour en Angleterre, arriva à Versailles le 17 août 1777 en tenue de capitaine de dragons. La Reine Marie-Antoinette l’aperçut et voulut qu’il lui fût présenté sous le costume féminin. Le 23 novembre, D’Éon, avec des membres de cyclope, de la barbe, et des gestes de soldat, parut donc devant la Reine en robe montante, toque de velours noir, cheveux coupés et poudrés.] Cette minute est intitulée : Lettre de Mademoiselle D’Eon à son ami le Baron de Bon, Colonel à la suite du Régiment d’Autichamp Dragons, depuis Maréchal de camp & Ministre plénipotentiaire de France à Bruxelles. Elle se complète de nombreuses et importantes additions dans les marges. D’Éon raconte à son ami le Colonel de Bon, dans un style qu’il veut entièrement militaire, sa métamorphose : « le 21 du courant, fête de Saint Ursule vierge & martyre, Mlle Bertin avec sa troupe d’élite que je ne considérois d’abord que comme un corps d’observation a fait une marche forcée pendant la nuit et à la pointe du jour par surprise & par force s’est emparé de ma personne & de Moncontour seule place fortifiée qui me restoit dans mes païs-bas ». Long et pittoresque commentaire dans le même style guerrier pour raconter comment, sur ordre de la Cour, la place fut forcée par Mlle Bertin, « surintendante du genie de la toilette de la Reine & des fortiffications de sa Garde-robe »… Il raconte aussi sa ronde de nuit, avant l’attaque : « Je fus fort étonné d’entendre crier Alte-là mon brave Capitaine, vous me prenez par les tétons. C’étoit ma fille de chambre Geneviève Maillot qui m’a déclaré qu’elle était somnenbule [...] il m’est deffendu de porter casque & cuirasse […] Le fichu de la modestie même celui de Ste Therese n’est guère propre à parer le coup de mousquet »… Il en vient au récit de sa « dissolution totale » et des changements opérés par Mlle Bertin : « Elle a dabord produit le licenciment de tous les habits & manteaux rouges de ma garde-robe y compris les vestes & culotes de peau de chamois, les bottes & les éperons, les pistolets, épées, sabres & carabines. En cet état une fille a beau avoir été Capitaine de Dragons, quelle deffense peut-elle faire avec du file & une aiguille. Un eventail est un triste boulevart, une juppe est un foible rempart, elle n’est bonne que pour arborer pavillon blanc [...] On parle de me mettre au couvent à Versailles pour m’instruire de la nouvelle tactique qu’il me faut apprendre pour entrer dans la Compagnie franche des filles d’honneur de notre Auguste Reine. Que de file j’aurai à retorde. J’aimerois autant aller chez ma mere planter mes choux »... Il rend cependant hommage à l’aimable Mlle Bertin « qui a un esprit aussi bon que son cœur & qui saisit toutes les occasions de rendre à la Reine un temoignage favorable de Mlle D’Éon qui doit renoncer à l’infanterie, à la cavalerie & à l’etat major du Marechal de Broglie & ne plus songer qu’a se mettre sur un pied respectable pour plaire aux Troupes legeres de la Reine. Je ne vois point encore l’intention prononcée du Roi sur mon sort ulterieur, en attendant il veut que je sois dressé & formé sur la decence requise d’une femme avant d’etre presenté à la Cour. » Évelyne et Maurice Lever, Le Chevalier d’Éon, une vie sans queue ni tête (Fayard, 2009, p. 247).
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