VIGNY, Alfred de Paysage à la mule Dessin original. Mine de plomb, 16 x 24 cm, encadrement sous verre. Scène bucolique dessinée à l'heure où les ombres s'allongent, qui représente un vallon arboré au pied d'une paroi rocheuse, traversé d'une route aboutissant à une masure. Au premier plan, une mule bâtée, impose avec discrétion sa paisible présence. " Le crépuscule ami s'endort dans la vallée " (Alfred de Vigny). Après avoir condamné l'époque contemporaine dans ses premières poésies (" pour longtemps le monde est dans la nuit ", écrit-il en 1831 dans " Paris ") et après avoir dénoncé l'illusion et la tragédie des idéaux (Servitude et grandeur militaire ou encore Chatterton, en 1835), Alfred de Vigny s'est attaché dans son recueil poétique Les Destinées (1864) à développer une vision de l'homme réconcilié avec la beauté, la justice, la pureté... Ainsi, tout en fustigeant encore le monde " rétréci " par le progrès technique et scientifique, il appelle dans le poème " La maison du berger " (Les Destinées), à retrouver le bonheur amoureux et la simplicité de la nature qu'il sut rendre parfaitement dans le présent dessin : " [...] Si ton cœur, gémissant du poids de notre vie, Se traîne et se débat comme un aigle blessé, Portant comme le mien, sur son aile asservie, Tout un monde fatal, écrasant et glacé [...] ; Pars courageusement, laisse toutes les villes ; Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin, Du haut de nos pensers vois les cités serviles Comme les rocs fatals de l'esclavage humain. Les grands bois et les champs sont de vastes asiles, Libres comme la mer autour des sombres îles. Marche à travers les champs une fleur à la main. La Nature t'attend dans un silence austère ; L'herbe élève à tes pieds son nuage des soirs, Et le soupir d'adieu du soleil à la terre Balance les beaux lis comme des encensoirs. Le crépuscule ami s'endort dans la vallée, Sur l'herbe d'émeraude et sur l'or du gazon, Sous les timides joncs de la source isolée Et sous le bois rêveur qui tremble à l'horizon [...] " " Si j'étais peintre, je voudrais être un Raphaël noir : forme angélique, couleur sombre " (Alfred de Vigny, 1834, Journal d'un poète). Condisciple de Devéria, ami de Gigoux et des frères Johannot, Alfred de Vigny avait lui-même appris le dessin, d'abord auprès de sa mère - qui lui avait inculqué la vénération de Raphaël - puis auprès de Girodet, ami de la famille. Dans ses notes autobiographiques, qui parurent de manière posthume en 1867 sous le titre de Journal d'un poète, Vigny se targuait d'avoir une excellente mémoire visuelle : " J'ai beaucoup de mémoire et surtout celle des yeux ; ce qui s'est peint dans un de mes regards, quelque passager qu'il soit, ne s'efface plus de ma vie. Tous les tableaux de ma plus petite enfance sont devant ma vue encore aussi vifs et aussi colorés que lorsqu'ils m'apparurent. ". Mais il ne limitait pas la pratique artistique - comme la création littéraire - à la restitution d'une réalité, affirmant que " l'art est la vérité choisie " (1829, Journal d'un poète), et accordant le plus haut prix à la recherche d'une expression à l'écoute de la sensibilité personnelle : " Que chacun peigne à sa manière, l'un sombre, l'autre clair, un troisième rude et âpre, un quatrième pâle et doux, celui-ci rubéfiant comme Rubens, celui-là pur et angélique comme Raphaël [...]. Que chacun donc peigne comme il voit, et aussi parle comme il pense, crée comme il sent ; c'est la permission que je prends, sans la demander, convaincu que l'humanité ne peut perdre à savoir ce qu'un homme a éprouvé et dit dans la sincérité de son cœur. " Seuls quelques rares dessins d'Alfred de Vigny nous sont parvenus. Provenance Collection Christian Bernadac.
VIGNY, Alfred de Paysage à la mule Dessin original. Mine de plomb, 16 x 24 cm, encadrement sous verre. Scène bucolique dessinée à l'heure où les ombres s'allongent, qui représente un vallon arboré au pied d'une paroi rocheuse, traversé d'une route aboutissant à une masure. Au premier plan, une mule bâtée, impose avec discrétion sa paisible présence. " Le crépuscule ami s'endort dans la vallée " (Alfred de Vigny). Après avoir condamné l'époque contemporaine dans ses premières poésies (" pour longtemps le monde est dans la nuit ", écrit-il en 1831 dans " Paris ") et après avoir dénoncé l'illusion et la tragédie des idéaux (Servitude et grandeur militaire ou encore Chatterton, en 1835), Alfred de Vigny s'est attaché dans son recueil poétique Les Destinées (1864) à développer une vision de l'homme réconcilié avec la beauté, la justice, la pureté... Ainsi, tout en fustigeant encore le monde " rétréci " par le progrès technique et scientifique, il appelle dans le poème " La maison du berger " (Les Destinées), à retrouver le bonheur amoureux et la simplicité de la nature qu'il sut rendre parfaitement dans le présent dessin : " [...] Si ton cœur, gémissant du poids de notre vie, Se traîne et se débat comme un aigle blessé, Portant comme le mien, sur son aile asservie, Tout un monde fatal, écrasant et glacé [...] ; Pars courageusement, laisse toutes les villes ; Ne ternis plus tes pieds aux poudres du chemin, Du haut de nos pensers vois les cités serviles Comme les rocs fatals de l'esclavage humain. Les grands bois et les champs sont de vastes asiles, Libres comme la mer autour des sombres îles. Marche à travers les champs une fleur à la main. La Nature t'attend dans un silence austère ; L'herbe élève à tes pieds son nuage des soirs, Et le soupir d'adieu du soleil à la terre Balance les beaux lis comme des encensoirs. Le crépuscule ami s'endort dans la vallée, Sur l'herbe d'émeraude et sur l'or du gazon, Sous les timides joncs de la source isolée Et sous le bois rêveur qui tremble à l'horizon [...] " " Si j'étais peintre, je voudrais être un Raphaël noir : forme angélique, couleur sombre " (Alfred de Vigny, 1834, Journal d'un poète). Condisciple de Devéria, ami de Gigoux et des frères Johannot, Alfred de Vigny avait lui-même appris le dessin, d'abord auprès de sa mère - qui lui avait inculqué la vénération de Raphaël - puis auprès de Girodet, ami de la famille. Dans ses notes autobiographiques, qui parurent de manière posthume en 1867 sous le titre de Journal d'un poète, Vigny se targuait d'avoir une excellente mémoire visuelle : " J'ai beaucoup de mémoire et surtout celle des yeux ; ce qui s'est peint dans un de mes regards, quelque passager qu'il soit, ne s'efface plus de ma vie. Tous les tableaux de ma plus petite enfance sont devant ma vue encore aussi vifs et aussi colorés que lorsqu'ils m'apparurent. ". Mais il ne limitait pas la pratique artistique - comme la création littéraire - à la restitution d'une réalité, affirmant que " l'art est la vérité choisie " (1829, Journal d'un poète), et accordant le plus haut prix à la recherche d'une expression à l'écoute de la sensibilité personnelle : " Que chacun peigne à sa manière, l'un sombre, l'autre clair, un troisième rude et âpre, un quatrième pâle et doux, celui-ci rubéfiant comme Rubens, celui-là pur et angélique comme Raphaël [...]. Que chacun donc peigne comme il voit, et aussi parle comme il pense, crée comme il sent ; c'est la permission que je prends, sans la demander, convaincu que l'humanité ne peut perdre à savoir ce qu'un homme a éprouvé et dit dans la sincérité de son cœur. " Seuls quelques rares dessins d'Alfred de Vigny nous sont parvenus. Provenance Collection Christian Bernadac.
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