Victor HUGO L.A., Marine Terrace [Jersey] 29 décembre [1853], à Delphine de Girardin ; 4 pages in-8 (petite fente). Longue et belle lettre sur l’exil, et sur les tables tournantes à laquelle Delphine de Girardin a initié la famille Hugo. [Lors de son séjour à Jersey au début de septembre 1853, Delphine de Girardin a appris aux Hugo à faire tourner les tables et les a initiés au spiritisme. Hugo évoque aussi le recueil des articles de Mme de Girardin : Le Vicomte de Launay, correspondance parisienne (Michel Lévy, 1853).] « Voilà deux ans d’exil faits. Savez-vous, madame, que je remercie tous les jours Dieu de cette épreuve où il me trempe. Je souffre, je pleure en dedans, j’ai dans l’âme des cris profonds vers la patrie, mais, tout pesé, j’accepte et je rends grâces. Je suis heureux d’avoir été choisi pour faire le stage de l’avenir. Ce grand stage, vous le faites de votre côté, vous et ce profond penseur qui est auprès de vous. Vous accomplissez merveilleusement chacun votre œuvre ; vous, vous désenflez le ballon des vanités, des sottises, et des ridicules ; lui, il sape la vieille forteresse des préjugés, des oppressions, et des abus ; j’admire vos coups d’épingle et ses coups de pioche. Continuez tous les deux. Je vous suis des yeux de loin à travers cette sombre nuée qu’on appelle l’exil. Le rayonnement des étoiles la perce »… Puis il évoque le séjour de Delphine à Jersey, et le moment passé avec un autre proscrit, Pierre Leroux : « le vicomte de Launay est venu s’asseoir entre ces deux démagogues. Vrai, nous nous sommes mis à causer avec vous, en général, les proscrits ne peuvent que pleurer ou rire ; vous avez eu ce triomphe, vous nous avez fait sourire. Un moment, grâce à vous, malgré l’ouragan qui tourmente la mer, malgré la neige qui glace la terre, malgré la proscription qui assombrit nos âmes il y a eu un salon à Marine Terrace – et vous en étiez la reine, et nous, les anarchistes, nous en étions les sujets. Quel charmant livre que ce beau livre ! Je l’ai lu autrefois feuilleton à feuilleton, je le relis aujourd’hui page à page. J’y retrouve les anciens diamants, et de nouvelles perles. Vous avez ajouté toutes sortes de choses exquises. Il y a sur les femmes une page admirable. – Vous dites, tout est perdu, les femmes sont pour les vainqueurs et contre les vaincus. – Moi, je dis : tout est sauvé, une femme est avec nous. – Et quelle femme ! La vraie, vous. Oui, vous êtes la vraie femme, parce que vous avez la beauté éclatante et le cœur attendri, parce que vous comprenez, parce que vous souriez, parce que vous aimez. Vous êtes la vraie femme, parce que vous êtes prophétesse et sœur de charité, parce que vous enseignez le devoir aux deux sexes, parce que vous savez dire aux hommes où ils doivent diriger leur âme, et aux femmes où elles doivent mettre leur cœur. […] En ce moment, nous laissons un peu reposer ce que j’appelle la science nouvelle ; nous avons chacun un travail vers lequel nous faisons force de voiles ; nos plumes crient à qui mieux mieux sur le papier ; nous sommes en classe. Mais à la sortie, quelle recréation, et comme nous allons nous en donner des A-B-C ! Moi, je n’ai nul fluide, vous savez ? et je n’aboutis qu’à ABAX (table) et ABACADABA (abracadabra). Je mets cette magie blanche à vos pieds, blanche magicienne ! »…
Victor HUGO L.A., Marine Terrace [Jersey] 29 décembre [1853], à Delphine de Girardin ; 4 pages in-8 (petite fente). Longue et belle lettre sur l’exil, et sur les tables tournantes à laquelle Delphine de Girardin a initié la famille Hugo. [Lors de son séjour à Jersey au début de septembre 1853, Delphine de Girardin a appris aux Hugo à faire tourner les tables et les a initiés au spiritisme. Hugo évoque aussi le recueil des articles de Mme de Girardin : Le Vicomte de Launay, correspondance parisienne (Michel Lévy, 1853).] « Voilà deux ans d’exil faits. Savez-vous, madame, que je remercie tous les jours Dieu de cette épreuve où il me trempe. Je souffre, je pleure en dedans, j’ai dans l’âme des cris profonds vers la patrie, mais, tout pesé, j’accepte et je rends grâces. Je suis heureux d’avoir été choisi pour faire le stage de l’avenir. Ce grand stage, vous le faites de votre côté, vous et ce profond penseur qui est auprès de vous. Vous accomplissez merveilleusement chacun votre œuvre ; vous, vous désenflez le ballon des vanités, des sottises, et des ridicules ; lui, il sape la vieille forteresse des préjugés, des oppressions, et des abus ; j’admire vos coups d’épingle et ses coups de pioche. Continuez tous les deux. Je vous suis des yeux de loin à travers cette sombre nuée qu’on appelle l’exil. Le rayonnement des étoiles la perce »… Puis il évoque le séjour de Delphine à Jersey, et le moment passé avec un autre proscrit, Pierre Leroux : « le vicomte de Launay est venu s’asseoir entre ces deux démagogues. Vrai, nous nous sommes mis à causer avec vous, en général, les proscrits ne peuvent que pleurer ou rire ; vous avez eu ce triomphe, vous nous avez fait sourire. Un moment, grâce à vous, malgré l’ouragan qui tourmente la mer, malgré la neige qui glace la terre, malgré la proscription qui assombrit nos âmes il y a eu un salon à Marine Terrace – et vous en étiez la reine, et nous, les anarchistes, nous en étions les sujets. Quel charmant livre que ce beau livre ! Je l’ai lu autrefois feuilleton à feuilleton, je le relis aujourd’hui page à page. J’y retrouve les anciens diamants, et de nouvelles perles. Vous avez ajouté toutes sortes de choses exquises. Il y a sur les femmes une page admirable. – Vous dites, tout est perdu, les femmes sont pour les vainqueurs et contre les vaincus. – Moi, je dis : tout est sauvé, une femme est avec nous. – Et quelle femme ! La vraie, vous. Oui, vous êtes la vraie femme, parce que vous avez la beauté éclatante et le cœur attendri, parce que vous comprenez, parce que vous souriez, parce que vous aimez. Vous êtes la vraie femme, parce que vous êtes prophétesse et sœur de charité, parce que vous enseignez le devoir aux deux sexes, parce que vous savez dire aux hommes où ils doivent diriger leur âme, et aux femmes où elles doivent mettre leur cœur. […] En ce moment, nous laissons un peu reposer ce que j’appelle la science nouvelle ; nous avons chacun un travail vers lequel nous faisons force de voiles ; nos plumes crient à qui mieux mieux sur le papier ; nous sommes en classe. Mais à la sortie, quelle recréation, et comme nous allons nous en donner des A-B-C ! Moi, je n’ai nul fluide, vous savez ? et je n’aboutis qu’à ABAX (table) et ABACADABA (abracadabra). Je mets cette magie blanche à vos pieds, blanche magicienne ! »…
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