Beschreibung:

VERLAINE, Paul (1844-1896). Les poètes répudiés . Manuscrit autographe comportant quelques ratures et corrections. S.l.n.d. [Vers 1880]. 5 feuillets in-4 (214 x 173 mm), rédigés au recto, foliotés 92 à 96, montés en marge gauche sur papier fort, (petites traces de pliures, dernier feuillet avec marge blanche renforcée), reliés en un volume in-4, demi-maroquin citron à coins, signé Yseux, successeur de Thierry-Simier. Provenance : bibliothèque Samson (cachet monogrammé "VS" dans l'angle gauche du premier feuillet). TEXTE INÉDIT, RÉDIGÉ POUR FAIRE SUITE AU VOYAGE EN FRANCE PAR UN FRANÇAIS , DONT LA PUBLICATION, REFUSÉE PAR LA REVUE DU MONDE CATHOLIQUE EN 1881, NE PARAÎTRA QU'EN 1907. Manuscrit très touchant écrit alors que le poète vit une période tourmentée, déchiré entre son amitié avec Lucien Letinois et celle qu'il porte à Germain Nouveau, sans pourtant les mentionner ici. Après son incarcération de quinze mois, pour avoir blessé Rimbaud de deux coups de pistolet, Verlaine renoue avec le catholicisme. Ce texte témoigne de la crise religieuse que traverse alors le poète. "Les vers de ces derniers, se ressentent de leur péché. Deux ou trois, avec qui je m'honore d'avoir continué de chères relations ont foncé leur républicanisme de la veille, à mesure que s'affoiblissaient les nuances de notre ciel, démocratique et 'progressif'. Je sais bien qu'ils iront, eux, ces deux ou trois, jusqu'au bout de leur conviction, vue cette conviction s'empourprer avec mon sang, mais je sais aussi qu'ils sont splendidement sincères, que leur erreur est non moins généreuse que logique dans son inconscient dépravation, et c'est pourquoi, moi, revenu des extrémités de l'opinion qu'ils arpentent, ou plutôt descendent en toute bravoure, jusqu'au camp opposé, jusqu'à la ligne de bataille ennemie si une guerre civile doit s'ensuivre de cette torpeur anarchique qui nous écoeure tous, - c'est pourquoi, je leur serre la main aujour d'aujourd'hui avec la même estime militaire que je leur percerai le coeur, s'il fallait, un jour qui n'est peut-être pas assez éloigné pour l'ardente sympathie que je leur garde, à ces deux ou trois, entre tant d'amis répudiés. Amis répudiés, poètes toujours aimés, toujours amis du poète qui est en moi. Je les vois tous les jours s'éloigner des terres promises auxquelles le baptême - sauf pour le seul Mendès, juif, comme j'ai déjà dit, - mais si peu ! - et la supériorité de leurs esprits les appelaient". Il poursuit son texte, chargé d'émotion, en évoquant des poètes contemporains: "Même, à bien la prendre, la poésie contemporaine dépasse en odieux les hontes de Rome décadente et du siècle dernier[...] Du moins les premiers de cette période-ci, les Hugo, les Musset, avaient donné, soit de jeunesse, soit dans les morsures d'une vie pécheresse, une ou deux notes justes d'âme et de religiosité". Il évoque ainsi Pétrus Borel ("sombre ironie, énorme talent maladroit"), Alfred de Vigny ("avec tous ses blasphèmes poshumes"), Théophile Gautier ("naïvement catholique"), pour n'en citer que quelques uns. A Baudelaire,"vraiment chrétien lui", Verlaine exprime toute son admiration. ÉMOUVANT DOCUMENT INÉDIT.