L.A.S. «Vincent v. Gogh», [Saint-Rémy de Provence 9 ou 10 février 1890], à Albert AURIER; 2 pages in-4 (26,9 x 21,1 cm; manques aux coins avec perte de quelques mots ou lettres, pli central fendu avec réparations, bords un peu effrangés avec fentes); sous emboîtage maroquin vert à décor mosaïqué de tournesols sur le plat sup. Magnifique lettre au critique qui a le premier salué son art et reconnu son génie. [Albert AURIER (1865-1892), remarquable critique d'art qui disparaîtra prématurément, venait de publier dans le Mercure de France de janvier 1890 son article fondateur: «Les isolés: Vincent Van Gogh», où il révélait au public, avec admiration, les «oeuvres étranges, intensives et fiévreuses» de Van Gogh: «Ce qui particularise son oeuvre entière, c'est l'excès, l'excès en la force, l'excès en la nervosité, la violence en l'expression. Dans sa catégorique affirmation du caractère des choses, dans sa souvent téméraire simplification des formes, dans son insolence à fixer le soleil face à face, dans la fougue véhémente de son dessin et de sa couleur, jusque dans les moindres particula- rités de sa technique, se révèle un puissant, un mâle, un oseur, très souvent brutal et parfois ingénûment délicat. [...] Vincent Van Gogh en effet, n'est pas seulement un grand peintre, enthousiaste de son art, de sa palette et de la nature, c'est encore un rêveur, un croyant exalté, un dévoreur de belles utopies, vivant d'idées et de songes»... C'est la seule lettre de Van Gogh à Aurier. Elle a été publiée dans les Oeuvres posthumes d'Aurier (Mercure de France, 1893, p. 265-268), et porte quelques annotations typographiques.] Van Gogh remercie Aurier de son article, qui l'a «beaucoup surpris. Je l'aime beaucoup comme oeuvre d'art en soi, je trouve que vous faites de la couleur avec vos paroles; enfin dans votre article je retrouve mes toiles mais meilleures qu'elles ne le sont en réalité, plus riches, plus significatives». Mais il se sent «mal à l'aise [...] plutôt qu'à moi ce que vous dites reviendrait à d'autres. - Par exemple à MONTICELLI surtout»; et il invite Aurier à aller voir chez son frère Théo «certain bouquet de Monticelli - bouquet en blanc, bleu myosotys & orangé [...] à ce que je sache, il n'y a pas de coloriste venant aussi droit et directement de Delacroix; et pourtant est-il probable, à mon avis, que Monticelli ne tenait que de seconde main les théories de la couleur de Delacroix; notamment il les tenait de Diaz et de Ziem». Il rapproche le tempérament de Monticelli de celui de Boccace: «Un mélancolique, un malheureux assez résigné, voyant passer la noce du beau monde, les amoureux de son temps, les peignant, les analysant, lui - le mis de côté. [...] c'était donc pour dire que sur mon nom paraissent s'égarer des chôses que vous feriez mieux de dire de Monticelli, auquel je dois beaucoup. Ensuite je dois beaucoup à Paul GAUGUIN avec lequel j'ai travaillé durant quelques mois à Arles et que d'ailleurs je connaissais déjà à Paris. Gauguin, cet artiste curieux, cet étranger duquel l'allure et le regard rappellent vaguement le portrait d'homme de Rembrandt à la galerie Lacaze, cet ami qui aime à faire sentir qu'un bon tableau doit être l'équivalent d'une bonne action, non pas qu'il le dise, mais enfin il est difficile de le fréquenter sans songer à une certaine responsabilité morale. - Quelques jours avant de nous séparer, alors que la maladie m'a forcée d'entrer dans une maison de Santé, j'ai essayé de peindre “sa place vide”. C'est une étude de son fauteuil en bois brun rouge sombre, le siège en paille verdâtre et à la place de l'absent un flambeau allumé et des romans modernes. [La chaise de Gauguin, Van Gogh Museum] Veuillez à l'occasion, en souvenir de lui, un peu revoir cette étude laquelle est toute entière dans des tons rompus verts et rouges». Pour la question de la couleur, c'est à Gauguin et Monticelli qu'Aurier aurait dû rendre justice: «la part qui m'en revient ou reviendra demeurera, je vous l'assure, fort secondaire
L.A.S. «Vincent v. Gogh», [Saint-Rémy de Provence 9 ou 10 février 1890], à Albert AURIER; 2 pages in-4 (26,9 x 21,1 cm; manques aux coins avec perte de quelques mots ou lettres, pli central fendu avec réparations, bords un peu effrangés avec fentes); sous emboîtage maroquin vert à décor mosaïqué de tournesols sur le plat sup. Magnifique lettre au critique qui a le premier salué son art et reconnu son génie. [Albert AURIER (1865-1892), remarquable critique d'art qui disparaîtra prématurément, venait de publier dans le Mercure de France de janvier 1890 son article fondateur: «Les isolés: Vincent Van Gogh», où il révélait au public, avec admiration, les «oeuvres étranges, intensives et fiévreuses» de Van Gogh: «Ce qui particularise son oeuvre entière, c'est l'excès, l'excès en la force, l'excès en la nervosité, la violence en l'expression. Dans sa catégorique affirmation du caractère des choses, dans sa souvent téméraire simplification des formes, dans son insolence à fixer le soleil face à face, dans la fougue véhémente de son dessin et de sa couleur, jusque dans les moindres particula- rités de sa technique, se révèle un puissant, un mâle, un oseur, très souvent brutal et parfois ingénûment délicat. [...] Vincent Van Gogh en effet, n'est pas seulement un grand peintre, enthousiaste de son art, de sa palette et de la nature, c'est encore un rêveur, un croyant exalté, un dévoreur de belles utopies, vivant d'idées et de songes»... C'est la seule lettre de Van Gogh à Aurier. Elle a été publiée dans les Oeuvres posthumes d'Aurier (Mercure de France, 1893, p. 265-268), et porte quelques annotations typographiques.] Van Gogh remercie Aurier de son article, qui l'a «beaucoup surpris. Je l'aime beaucoup comme oeuvre d'art en soi, je trouve que vous faites de la couleur avec vos paroles; enfin dans votre article je retrouve mes toiles mais meilleures qu'elles ne le sont en réalité, plus riches, plus significatives». Mais il se sent «mal à l'aise [...] plutôt qu'à moi ce que vous dites reviendrait à d'autres. - Par exemple à MONTICELLI surtout»; et il invite Aurier à aller voir chez son frère Théo «certain bouquet de Monticelli - bouquet en blanc, bleu myosotys & orangé [...] à ce que je sache, il n'y a pas de coloriste venant aussi droit et directement de Delacroix; et pourtant est-il probable, à mon avis, que Monticelli ne tenait que de seconde main les théories de la couleur de Delacroix; notamment il les tenait de Diaz et de Ziem». Il rapproche le tempérament de Monticelli de celui de Boccace: «Un mélancolique, un malheureux assez résigné, voyant passer la noce du beau monde, les amoureux de son temps, les peignant, les analysant, lui - le mis de côté. [...] c'était donc pour dire que sur mon nom paraissent s'égarer des chôses que vous feriez mieux de dire de Monticelli, auquel je dois beaucoup. Ensuite je dois beaucoup à Paul GAUGUIN avec lequel j'ai travaillé durant quelques mois à Arles et que d'ailleurs je connaissais déjà à Paris. Gauguin, cet artiste curieux, cet étranger duquel l'allure et le regard rappellent vaguement le portrait d'homme de Rembrandt à la galerie Lacaze, cet ami qui aime à faire sentir qu'un bon tableau doit être l'équivalent d'une bonne action, non pas qu'il le dise, mais enfin il est difficile de le fréquenter sans songer à une certaine responsabilité morale. - Quelques jours avant de nous séparer, alors que la maladie m'a forcée d'entrer dans une maison de Santé, j'ai essayé de peindre “sa place vide”. C'est une étude de son fauteuil en bois brun rouge sombre, le siège en paille verdâtre et à la place de l'absent un flambeau allumé et des romans modernes. [La chaise de Gauguin, Van Gogh Museum] Veuillez à l'occasion, en souvenir de lui, un peu revoir cette étude laquelle est toute entière dans des tons rompus verts et rouges». Pour la question de la couleur, c'est à Gauguin et Monticelli qu'Aurier aurait dû rendre justice: «la part qui m'en revient ou reviendra demeurera, je vous l'assure, fort secondaire
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