Louis JOUVET (1887-1951) acteur et metteur en scène. L.A.S. « Louis », Paris Quartier Latin 14 février 1907, à sa cousine Aline Bordas ; 7 pages et demie in-8 (qqs petites fentes), enveloppe. Belle lettre de jeunesse sur le théâtre. Il lui écrit « au milieu de cette atmosphère scientifique [le jeune Jouvet étudie alors la pharmacie] et artistique qu’est le Quartier Latin. Je viens d’aller voir jouer ce soir Les Bouffons chez Sarah Bernhardt C’est assez peu intéressant d’autant plus que Sarah avec sa voix de vieille femme s’y obstine à jouer des rôles de prince charmant. Bref passons ; je n’ai pu aller à l’Odéon revoir jouer Chatterton, que j’avais déjà vu jouer jeudi dernier […]. Vous avez pu voir sur le journal que Mlle Bellanger qui remplissait un des principaux rôles celui de Kitty Bell a tenté de se suicider… Je sens de mieux en mieux que le métier d’acteur n’est qu’un métier et que dans toutes les situations où peut se trouver l’humaine nature ici-bas, dans toutes dis-je elle est malheureuse parce qu’il y a toujours une soif d’idéal qui n’est pas apaisée, un besoin infini et un désir profond d’amour qui ne sont pas assouvissables ici-bas »… Il lui suggère fortement la lecture de Chatterton, dans lequel elle trouvera « des pensées profondes et justes du superbe Vigny [qui] dépasse en psychologie et en vraie biologie tout ce que nos philosophes modernes ont pu entasser dans leurs fastidieux bouquins. Il faut vivre mon fils, se taire et prier Dieu, tel est le cri du Quaker à Chatterton, désespéré. Quelle sublime parole digne du plus grand philosophe »… C’est depuis qu’il a lu La Maison du Berger, qu’il sent ce qu’est la vie : « La vie est une épreuve. Ceci n’est plus un mot pour moi. Je le sens, j’en suis pénétré. Mais ce n’est pas un piège que Dieu nous a tendu. Il faut vivre, le suicide est lâche. Se taire, être stoïque et prier Dieu, les hommes sont si méchants !!! […] Je comprends maintenant qu’il faut vivre. Qu’il faut faire effort. Il faut être positif et faire dominer la volonté sur l’imagination. Dieu nous a créés pour faire effort et non pour nous laisser aller au gré d’une imagination folle. Nous devons agir nous ne devons pas rêver. C’est un vol que nous faisons à l’humanité et à Dieu. Les paroles me manquent pour exprimer toutes ces choses »… La pièce vaut « en vérité en profondeur et en moralité le plus beau poème chez Hugo et la plus belle chanson de Roland. […] L’imagination est bien la plus belle des facultés humaines et la plus pernicieuse en ce sens que si on la laisse dominer, elle conduit à la déchéance morale la plus profonde »… Il délaisse à regret cette bouffée de métaphysique pour endosser à la hâte la robe d’ignorance d’Hippocrate et lui donner un remède pour guérir les crevasses. Puis, revenant à la philosophie, il promet à Aline de lui parler de quelques-unes de ses grandes idées « qui s’objectivent de plus en plus et qui germent depuis longtemps déjà chez moi. Vous en avez déjà quelque aperçu avec ma dualité de Don Quichotte et Don Sancho ». Il conclue amèrement : « Vigny était un grand poète et un grand philosophe et je ne suis qu’un pharmacien »… On joint une autre enveloppe à la même (mars 1907), et une carte postale a.s. à Louis Mazzi (1er avril 1911).
Louis JOUVET (1887-1951) acteur et metteur en scène. L.A.S. « Louis », Paris Quartier Latin 14 février 1907, à sa cousine Aline Bordas ; 7 pages et demie in-8 (qqs petites fentes), enveloppe. Belle lettre de jeunesse sur le théâtre. Il lui écrit « au milieu de cette atmosphère scientifique [le jeune Jouvet étudie alors la pharmacie] et artistique qu’est le Quartier Latin. Je viens d’aller voir jouer ce soir Les Bouffons chez Sarah Bernhardt C’est assez peu intéressant d’autant plus que Sarah avec sa voix de vieille femme s’y obstine à jouer des rôles de prince charmant. Bref passons ; je n’ai pu aller à l’Odéon revoir jouer Chatterton, que j’avais déjà vu jouer jeudi dernier […]. Vous avez pu voir sur le journal que Mlle Bellanger qui remplissait un des principaux rôles celui de Kitty Bell a tenté de se suicider… Je sens de mieux en mieux que le métier d’acteur n’est qu’un métier et que dans toutes les situations où peut se trouver l’humaine nature ici-bas, dans toutes dis-je elle est malheureuse parce qu’il y a toujours une soif d’idéal qui n’est pas apaisée, un besoin infini et un désir profond d’amour qui ne sont pas assouvissables ici-bas »… Il lui suggère fortement la lecture de Chatterton, dans lequel elle trouvera « des pensées profondes et justes du superbe Vigny [qui] dépasse en psychologie et en vraie biologie tout ce que nos philosophes modernes ont pu entasser dans leurs fastidieux bouquins. Il faut vivre mon fils, se taire et prier Dieu, tel est le cri du Quaker à Chatterton, désespéré. Quelle sublime parole digne du plus grand philosophe »… C’est depuis qu’il a lu La Maison du Berger, qu’il sent ce qu’est la vie : « La vie est une épreuve. Ceci n’est plus un mot pour moi. Je le sens, j’en suis pénétré. Mais ce n’est pas un piège que Dieu nous a tendu. Il faut vivre, le suicide est lâche. Se taire, être stoïque et prier Dieu, les hommes sont si méchants !!! […] Je comprends maintenant qu’il faut vivre. Qu’il faut faire effort. Il faut être positif et faire dominer la volonté sur l’imagination. Dieu nous a créés pour faire effort et non pour nous laisser aller au gré d’une imagination folle. Nous devons agir nous ne devons pas rêver. C’est un vol que nous faisons à l’humanité et à Dieu. Les paroles me manquent pour exprimer toutes ces choses »… La pièce vaut « en vérité en profondeur et en moralité le plus beau poème chez Hugo et la plus belle chanson de Roland. […] L’imagination est bien la plus belle des facultés humaines et la plus pernicieuse en ce sens que si on la laisse dominer, elle conduit à la déchéance morale la plus profonde »… Il délaisse à regret cette bouffée de métaphysique pour endosser à la hâte la robe d’ignorance d’Hippocrate et lui donner un remède pour guérir les crevasses. Puis, revenant à la philosophie, il promet à Aline de lui parler de quelques-unes de ses grandes idées « qui s’objectivent de plus en plus et qui germent depuis longtemps déjà chez moi. Vous en avez déjà quelque aperçu avec ma dualité de Don Quichotte et Don Sancho ». Il conclue amèrement : « Vigny était un grand poète et un grand philosophe et je ne suis qu’un pharmacien »… On joint une autre enveloppe à la même (mars 1907), et une carte postale a.s. à Louis Mazzi (1er avril 1911).
Try LotSearch and its premium features for 7 days - without any costs!
Be notified automatically about new items in upcoming auctions.
Create an alert