L.A., Coppet 23 mai [1815], au comte Trophime-Gérard de Lally-Tolendal; 3 pages in-4, adresse. Magnifique lettre politique des Cent-Jours.... «c'est le roi qui nous a rendus heureux pendant dix mois si courts de notre vie, c'est la pauvre France que j'aime encore sans savoir presque à qui adresser ce sentiment. Deux hommes politiquement ont abandonné notre parti libéral qui comptoit plus de victimes que de transfuges mais de ces deux c'est Benjamin [Constant] qui m'inspire le plus haut degré d'irritation. Quand à moi vous ne croirez pas j'espère que j'aille à Paris malgré toutes les séductions que l'on employe pour m'y attirer. Je reste ici. Je suspends, au moins, le mariage de ma fille et je m'en irai cet hyver en Grèce et à Jerusalem si tout n'est pas fini. Il faut bien aller en terre sainte pour être plus loin de la terre impie, et cependant c'est notre pays !» Elle donne des nouvelles: «On a offert à Mr de La Fayette et à Mr de Broglie d'être pairs et ils ont refusé. Notre pauvre vieux jeune Dupont de Nemours est parti pour l'Amérique. Il paroit sans cesse à Paris des écrits pleins de regrets pour le roi mais ce nom d'étrangers produit une irritation invincible. Je ne connois que le midi qui dit-on le supporte très bien. Tachez de vous nationaliser le plus possible. Je voudrois le roi en Suisse dans un pays neutre environné de Suisses qu'on est accoutumé à regarder comme des François. Enfin c'est l'opinion qu'il importe de conquérir. La guerre est chose aisée mais après elle il reste toujours 24 millions d'hommes dont plus de la moitié a le coeur ulcéré. [...] Je ne suis pas du nombre de ceux qui croyent à une résistance invincible en France mais je ne crois pas non plus à une révolution à Paris et il me semble que la pire des situations se prépare - c'est à dire les étrangers faisant tout et la nation toujours ulcérée, au reste qu'y faire? Cet homme [Napoléon] n'est pas conciliable avec l'espèce humaine. Sa constitution est meilleure que la charte constitutionnelle mais sa chambre des pairs l'a singulièrement dépopularisé elle ne sera jamais cette chambre qu'une anti-chambre ou qu'un corps de garde. On n'a pas tout dit en appelant des gens des pairs et pour lui je le vois dans la nécessité de tirer à la courte paille entre Mr le Baron de Vaux et le comte Mouton»... Elle demande des nouvelles de la princesse d'Hénin, et elle conclut: «Mon Dieu que je voudrois causer avec vous. Mais il faut rester ici pendant cet orage avec mon pauvre petit rosier de fille qui a sa part aussi du malheur public»... ON JOINT une L.A.S. de Lally-Tolendal à Mme de Staël, au sujet d'une invitation à une soirée chez la Princesse d'Hénin (2 p. in-8, adr.); et 3 L.A.S. de la fille de Mme de Staël, Albertine duchesse de Broglie, au comte de Lally-Tolendal ou à la princesse d'Hénin
L.A., Coppet 23 mai [1815], au comte Trophime-Gérard de Lally-Tolendal; 3 pages in-4, adresse. Magnifique lettre politique des Cent-Jours.... «c'est le roi qui nous a rendus heureux pendant dix mois si courts de notre vie, c'est la pauvre France que j'aime encore sans savoir presque à qui adresser ce sentiment. Deux hommes politiquement ont abandonné notre parti libéral qui comptoit plus de victimes que de transfuges mais de ces deux c'est Benjamin [Constant] qui m'inspire le plus haut degré d'irritation. Quand à moi vous ne croirez pas j'espère que j'aille à Paris malgré toutes les séductions que l'on employe pour m'y attirer. Je reste ici. Je suspends, au moins, le mariage de ma fille et je m'en irai cet hyver en Grèce et à Jerusalem si tout n'est pas fini. Il faut bien aller en terre sainte pour être plus loin de la terre impie, et cependant c'est notre pays !» Elle donne des nouvelles: «On a offert à Mr de La Fayette et à Mr de Broglie d'être pairs et ils ont refusé. Notre pauvre vieux jeune Dupont de Nemours est parti pour l'Amérique. Il paroit sans cesse à Paris des écrits pleins de regrets pour le roi mais ce nom d'étrangers produit une irritation invincible. Je ne connois que le midi qui dit-on le supporte très bien. Tachez de vous nationaliser le plus possible. Je voudrois le roi en Suisse dans un pays neutre environné de Suisses qu'on est accoutumé à regarder comme des François. Enfin c'est l'opinion qu'il importe de conquérir. La guerre est chose aisée mais après elle il reste toujours 24 millions d'hommes dont plus de la moitié a le coeur ulcéré. [...] Je ne suis pas du nombre de ceux qui croyent à une résistance invincible en France mais je ne crois pas non plus à une révolution à Paris et il me semble que la pire des situations se prépare - c'est à dire les étrangers faisant tout et la nation toujours ulcérée, au reste qu'y faire? Cet homme [Napoléon] n'est pas conciliable avec l'espèce humaine. Sa constitution est meilleure que la charte constitutionnelle mais sa chambre des pairs l'a singulièrement dépopularisé elle ne sera jamais cette chambre qu'une anti-chambre ou qu'un corps de garde. On n'a pas tout dit en appelant des gens des pairs et pour lui je le vois dans la nécessité de tirer à la courte paille entre Mr le Baron de Vaux et le comte Mouton»... Elle demande des nouvelles de la princesse d'Hénin, et elle conclut: «Mon Dieu que je voudrois causer avec vous. Mais il faut rester ici pendant cet orage avec mon pauvre petit rosier de fille qui a sa part aussi du malheur public»... ON JOINT une L.A.S. de Lally-Tolendal à Mme de Staël, au sujet d'une invitation à une soirée chez la Princesse d'Hénin (2 p. in-8, adr.); et 3 L.A.S. de la fille de Mme de Staël, Albertine duchesse de Broglie, au comte de Lally-Tolendal ou à la princesse d'Hénin
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