GIRAUDOUX Jean (1882-1944). MANUSCRIT autographe signé « Jean Giraudoux », Bella, 1925 ; 205 feuillets in-fol., relié maroquin rouge, armoiries sur les plats, cadre intérieur de maroquin rouge et filets dorés, étui (René Aussourd). Manuscrit complet, seul existant, de Bella, chef-d’œuvre romanesque de Giraudoux, offrant une version primitive très différente du texte publié. Ce manuscrit de Bella de Jean Giraudoux jusqu’alors inconnu (Brett Dawson, éditeur de Bella dans les Œuvres romanesques complètes de la Bibliothèque de la Pléiade, déplorait sa disparition), révèle une version primitive très différente du texte imprimé. On y saisit la genèse complexe de ce roman, probablement le plus beau et le plus riche de Giraudoux, qui, à côté d’un troublant portrait de femme, met en scène la lutte entre deux personnalités politiques, Rebendart et Dubardeau, derrière lesquelles on a reconnu l’affrontement de Raymond POINCARÉ et Philippe BERTHELOT. Le manuscrit est daté en fin « 21 janvier 1925 ». À partir de son achèvement, Giraudoux va profondément remanier son texte avant la prépublication de Bella dans La Nouvelle Revue française du 1er octobre 1925 au 1er janvier 1926. L’édition originale paraît chez Bernard Grasset dans la collection des « Cahiers verts » en 1926. D’importants passages du manuscrit ne se retrouvent pas dans le livre ; ils ont été supprimés pour former des chapitres de La France sentimentale (Bernard Grasset, 1930) ; un autre chapitre se retrouve dans Églantine (Bernard Grasset, 1927). La Bibliothèque nationale conserve des esquisses et ébauches de Bella antérieures à notre manuscrit, et divers fragments de rédactions successives, ainsi que d’autres fragments qui se rattachent au remaniement du roman. Notre manuscrit est le seul complet. Le manuscrit est écrit au recto de grands feuillets, avec une faible marge sur la gauche, et semblerait une mise au net, s’il n’y avait quantité de petites ratures, corrections ou additions. Outre les remaniements dans la structure du roman, le manuscrit présente quantité de variantes textuelles, souvent considérables. Giraudoux va hésiter sur le prénom de son héroïne : Julienne, Simone (plus tard corrigé en Bella au f. 78). Il va changer des noms (Crapuçon deviendra Crapuce, le marquis Basquetot deviendra baron Basquettot), mais aussi des lieux : ainsi, le fief de Rebandart qui est situé en Lorraine dans le manuscrit sera transporté en Champagne (Lunéville devenant Reims, etc.), pour éviter un rapprochement trop clair avec Poincaré ; l’Automobile Club deviendra le Sporting, etc. Nous allons tenter de suivre le texte du manuscrit en renvoyant aux pages de l’édition de la Pléiade (Œuvres romanesques complètes, tome I) entre crochets (et pour La France sentimentale au t. II), qu’il s’agisse du texte du roman mais aussi des esquisses ou autres rédactions. On verra ainsi le prodigieux travail de reconstruction romanesque auquel s’est livré Giraudoux. * Chapitre I (ff. 1-30, à l’encre violette). Le premier paragraphe, comme une sorte de bref prologue, est inédit : « Emmanuel Moïse ?... Au fait, pourquoi ne pas vous parler de Moïse ? Parce que j’appartiens à une famille illustre, tous les petits rôles de comparses tenus dans l’existence des autres enfants par un capitaine en retraite, un fondé de pouvoirs de la Société Générale, une bourgeoise légère, l’ont été, dans ma jeunesse, par des géants, par le Maréchal Foch lui-même, par Pasteur, par Madame Steinheil. Les rôles de confidents, de pères nobles, de traitres vont être attribués, dans cette histoire, pour respecter la vérité, à des présidents de l’institut, des fondateurs de la chimie moderne, des présidents du conseil. Mais il m’était aussi doux d’être amoureux entre l’extrême puissance, le génie, l’extrême richesse, de heurter chacun de mes mouvements d’amoureux anonyme et maladroit à des noms ou des actions illustres, que de conduire mon amour en Suisse, comme les autres font, et de l’entourer de montagnes ». 1 [1825-1826], 2 [898
GIRAUDOUX Jean (1882-1944). MANUSCRIT autographe signé « Jean Giraudoux », Bella, 1925 ; 205 feuillets in-fol., relié maroquin rouge, armoiries sur les plats, cadre intérieur de maroquin rouge et filets dorés, étui (René Aussourd). Manuscrit complet, seul existant, de Bella, chef-d’œuvre romanesque de Giraudoux, offrant une version primitive très différente du texte publié. Ce manuscrit de Bella de Jean Giraudoux jusqu’alors inconnu (Brett Dawson, éditeur de Bella dans les Œuvres romanesques complètes de la Bibliothèque de la Pléiade, déplorait sa disparition), révèle une version primitive très différente du texte imprimé. On y saisit la genèse complexe de ce roman, probablement le plus beau et le plus riche de Giraudoux, qui, à côté d’un troublant portrait de femme, met en scène la lutte entre deux personnalités politiques, Rebendart et Dubardeau, derrière lesquelles on a reconnu l’affrontement de Raymond POINCARÉ et Philippe BERTHELOT. Le manuscrit est daté en fin « 21 janvier 1925 ». À partir de son achèvement, Giraudoux va profondément remanier son texte avant la prépublication de Bella dans La Nouvelle Revue française du 1er octobre 1925 au 1er janvier 1926. L’édition originale paraît chez Bernard Grasset dans la collection des « Cahiers verts » en 1926. D’importants passages du manuscrit ne se retrouvent pas dans le livre ; ils ont été supprimés pour former des chapitres de La France sentimentale (Bernard Grasset, 1930) ; un autre chapitre se retrouve dans Églantine (Bernard Grasset, 1927). La Bibliothèque nationale conserve des esquisses et ébauches de Bella antérieures à notre manuscrit, et divers fragments de rédactions successives, ainsi que d’autres fragments qui se rattachent au remaniement du roman. Notre manuscrit est le seul complet. Le manuscrit est écrit au recto de grands feuillets, avec une faible marge sur la gauche, et semblerait une mise au net, s’il n’y avait quantité de petites ratures, corrections ou additions. Outre les remaniements dans la structure du roman, le manuscrit présente quantité de variantes textuelles, souvent considérables. Giraudoux va hésiter sur le prénom de son héroïne : Julienne, Simone (plus tard corrigé en Bella au f. 78). Il va changer des noms (Crapuçon deviendra Crapuce, le marquis Basquetot deviendra baron Basquettot), mais aussi des lieux : ainsi, le fief de Rebandart qui est situé en Lorraine dans le manuscrit sera transporté en Champagne (Lunéville devenant Reims, etc.), pour éviter un rapprochement trop clair avec Poincaré ; l’Automobile Club deviendra le Sporting, etc. Nous allons tenter de suivre le texte du manuscrit en renvoyant aux pages de l’édition de la Pléiade (Œuvres romanesques complètes, tome I) entre crochets (et pour La France sentimentale au t. II), qu’il s’agisse du texte du roman mais aussi des esquisses ou autres rédactions. On verra ainsi le prodigieux travail de reconstruction romanesque auquel s’est livré Giraudoux. * Chapitre I (ff. 1-30, à l’encre violette). Le premier paragraphe, comme une sorte de bref prologue, est inédit : « Emmanuel Moïse ?... Au fait, pourquoi ne pas vous parler de Moïse ? Parce que j’appartiens à une famille illustre, tous les petits rôles de comparses tenus dans l’existence des autres enfants par un capitaine en retraite, un fondé de pouvoirs de la Société Générale, une bourgeoise légère, l’ont été, dans ma jeunesse, par des géants, par le Maréchal Foch lui-même, par Pasteur, par Madame Steinheil. Les rôles de confidents, de pères nobles, de traitres vont être attribués, dans cette histoire, pour respecter la vérité, à des présidents de l’institut, des fondateurs de la chimie moderne, des présidents du conseil. Mais il m’était aussi doux d’être amoureux entre l’extrême puissance, le génie, l’extrême richesse, de heurter chacun de mes mouvements d’amoureux anonyme et maladroit à des noms ou des actions illustres, que de conduire mon amour en Suisse, comme les autres font, et de l’entourer de montagnes ». 1 [1825-1826], 2 [898
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