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Auction archive: Lot number 85

Des Forêts, Louis-René

Livres et Manuscrits
10 Jun 2024 - 27 Jun 2024
Estimate
€5,000 - €7,000
ca. US$5,368 - US$7,516
Price realised:
n. a.
Auction archive: Lot number 85

Des Forêts, Louis-René

Livres et Manuscrits
10 Jun 2024 - 27 Jun 2024
Estimate
€5,000 - €7,000
ca. US$5,368 - US$7,516
Price realised:
n. a.
Beschreibung:

Des Forêts, Louis-RenéCorrespondance à Raymond Queneau.28 lettres autographes signées, deux lettres dactylographiées dont une signée, et deux lettres autographes signées à Janine Queneau.Les Pluyes, Saint-Ambroix (Cher), 18 décembre 1942-17 août 1965.
65 pages in-4 ou in-8 (de 240 x 210 mm à 88 x 140 mm), dont deux cartes postales illustrées, 4 feuillets à en-tête de la NRF, une enveloppe. Très belle et riche correspondance d’un des écrivains les plus discrets et les plus sensibles de sa génération, abordant autant des sujets littéraires que des épisodes plus intimes. Avec deux manuscrits autographes relatifs à sa collaboration à l’Encyclopédie de la Pléiade. Si en 1942, Louis-René des Forêts s’adresse à Raymond Queneau [conseiller littéraire chez Gallimard] comme à un "cher Monsieur", ce sera très vite "cher ami", cher "Queneau" ou "cher Raymond", une amitié sincère naissant quasiment dès l’entrée en littérature de Des Forêts lorsqu’il envoie son contrat signé pour Les Mendiants à la NRF.Raymond Queneau se trouvant alors à Saint-Léonard de Noblat, près de Limoges [alors en zone libre], Louis-René des Forêts se propose de l’y rencontrer. Deux mois plus tard, il évoque cette rencontre qui a finalement eu lieu à Paris et qui lui a coûté cher puisqu’il vient de passer un mois en prison [voir la lettre jointe de Jean de Frotté]. "Après quelques vicissitudes, je suis chez moi depuis hier, heureux de retrouver l’air pur, le soleil et la liberté dont la privation m’a été très pénible, mais entre quatre murs, j’ai mûri beaucoup de projets", et il demande si Les Mendiants ont été admis par la censure allemande et quand il en recevra les épreuves. "Dans ma cellule, on ne m’avait donné pour toute lecture que les Œuvres complètes de Mme de Staël : je me remets avec quelque peine d’une indigestion de Corin[n]e et de Delphine". Et faisant une discrète allusion à son engagement dans la Résistance, il explique qu’il lui serait utile d’avoir entre les mains son contrat avec Gallimard : "il pourrait à un moment donné qui semble assez proche justifier de mes activités et m’éviter certains ennuis que vous devinez".13 juin 1943 : il se réjouit d’apprendre qu’il y aura un tirage de 10 exemplaires sur pur fil des Mendiants, souhaitant y souscrire à la quantité "maxima", puis demande à Queneau des conseils d’ordre médical pour soulager l’asthme dont souffre sa sœur.Il se dit déçu par les deux seuls articles reçus à propos des Mendiants par Marcel Arland et Jean-Pierre Maxence : "leur manie de classification tout arbitraire et la hâte manifeste avec laquelle ils ont examiné mon livre m'ont un peu surpris, mais je sais bien que c’est la règle".Durant l’hiver 1944, il est question de l’envoi de colis alimentaires, mais sans beurre : "Les vaches sont parcimonieuses et le ravitaillement d’une gloutonnerie !" et de son travail sur un nouveau roman : "je suis content d’avoir triomphé d’une inconfiance en moi-même qui devenait redoutable. Et je lis du Crébillon fils dont je m’étonne qu’il ne soit pas plus célèbre : connaissez-vous le Sopha ?" (15 février). "Je travaille beaucoup et avec plaisir. Et vous ? […] Songe-t-on à une réédition des Mendiants ou ne faut-il plus y compter" (3 mars).15 janvier 1945 : il revient d’un bref séjour à Paris pour avoir des renseignements sur les circonstances de la mort de son frère, tué dans l’Est : "J’étais sens dessus dessous et tout bouleversé ; ma sœur et moi ne l’avions pas revu depuis son débarquement en France et il était pour moi le meilleur des amis. Mais cette guerre n’en finit pas d’être atroce ! […] Je n’ai eu ni assez de temps ni l’esprit assez libre pour travailler sérieusement ces deux derniers mois. Et je ne suis pas trop content de la forme que prend ‘le Bavard’ ; je ne fais rien de bon et déchire sans cesse". En post-scriptum il annonce un prochain colis : "le canard vous arrivera un jour : quand ? Je ne puis vous le dire avec précision, bicose la difficulté de transport (comme dirait un de vos personnages)", et demande des conseils sur les livres qui paraissent chez Gallimard mais "ni Pyrrhus [Pyrrhus et Cinéas de Simone de Beauvoir] ni l’Aragon [Aurélien] que je possède".Il envoie, probablement pour le service de presse du Bavard, publié en 1946, comme demandé, un résumé de sa vie "en style télégraphique" mais n’a trouvé qu’une photographie de lui, indécente : "tout nu sur une plage. Naturellement, je ne vous l’envoie pas". Durant les années d’après-guerre, il collabore au comité de lecture de Gallimard et donne son avis sur des manuscrits, irrité par exemple par celui de [Charles] Rohmer "mais comme on dit c’est valable et aujourd’hui tout le monde adore ça".Par une lettre, illustrée de trois petits pictogrammes, un peu vulgaires avoue-t-il mais dont il n’est pas l’auteur, il recommande le manuscrit d’un auteur dont l’identité est révélée dans la lettre suivante, le 23 juin 1949 : Nicole Dutreil, épouse d’Yves de Boisanger, qui possède selon lui des dons d’écrivain peu communs.De Breuilpont (dans l’Eure), il s’est amusé à imprimer une lettre et une enveloppe. Il demande des précisions sur une curieuse entreprise dont il a entendu parler, "une encyclopédie par le film".Peut-être Queneau lui a-t-il proposé de participer au projet de "L'Encyclopédie filmée" qui devait être une série de courts métrages mêlant documents d’archives et séquences filmées ? Encyclopédie qui n’allait pas dépasser la lettre A. Queneau participa à l’un de ces films, réalisé par Pierre Kast, pour présenter l’Arithmétique.Et le 4 août 1950, Des Forêts dit renoncer au cinéma, s’embrouillant avec la pellicule et n’ayant pas la patience nécessaire à réaliser un montage. "J’aime mieux voir des films que d’en faire : décidément c’est très difficile".Il est question de musique : "Connaissez-vous le Rake’s Progress de Strawinsky ? Voilà un opéra qui aurait ravi Joyce, grand amateur de bel canto et lui-même pasticheur génial", de littérature : Saint Genet, comédien et martyr de Sartre, "on dirait un pastiche de Simone de Beauvoir" ; il a lu "avec beaucoup d’épatement" un roman de Marguerite Duras [Le Marin de Gibraltar ?], les articles d’un nommé Stone parus dans Les Temps modernes lui semblent une grande bouffonnerie. Lisant George Sand : "J’étais resté sur l’impression que cette dame était très antipathique (Baudelaire le dit, et dans quels termes !). Mais non. Connaissez-vous ses lettres à Flaubert ?" et en 1963, Des Forêts accuse Johnson et Butor, "un drôle d’oiseau celui-là", d’avoir coulé la Revue internationale. Il profite de séjours parisiens pour aller au théâtre et au cinéma : la mise en scène du Roi Lear par Peter Brook lui a paru trop soignée, trop ratissée, il s’est ennuyé à la projection des Abysses [de Nikos Papatakis], mais a trouvé très beau et passionnant L'Immortelle [réalisé par Alain Robbe-Grillet]. Le 9 mars 1952, il a soumis un manuscrit à Queneau dont le jugement mitigé le décide à abandonner ce roman : "Il ne me suffit nullement que ce ce roman soit très bien […] Ma ‘modestie’ si tant est que j’en aie, ne va pas jusque-là. Il y a longtemps que je sens confusément que je fais fausse route".À partir de 1954, il est conseiller littéraire pour l’Encyclopédie de la Pléiade, publiée par Gallimard sous la direction de Queneau, et rédige des rapports sur divers volumes encyclopédiques, appréciant particulièrement les études du mathématicien Pierre Humbert qui sait éviter le pédantisme et rendre vivants ces portraits de scientifiques tout en regrettant qu’il ne cite aucun savant contemporain : "On dirait qu’ils ne sont pas encore nés ! Pas un mot sur Einstein, ce qui est quand même un peu singulier". Parmi ses lectures, il y a bien évidemment les œuvres de Queneau : Pierrot mon ami, merveilleusement drôle et qui l’a enchanté, Les Ziaux sur lequel il ne peut lui donner qu’un jugement tout instinctif et personnel, Le Dimanche de la vie, dont il ose espérer un exemplaire numéroté. À propos de l’élection de Queneau à l’Académie Goncourt [le 3 mars 1951], il a reçu une lettre d’un ami qui l’a laissé rêveur et laisse à Queneau, s’il le souhaite, le soin de répondre à ce "philistin" : "Ces gens-là vous pardonneraient à la rigueur d’être Queneau, mais académicien Goncourt, voilà qui est un peu fort !" Au moment de la préparation du tome III de l’Histoire des littératures - Littératures françaises, connexes et marginales, toujours sous la direction de Queneau, il préfèrerait ne pas être cité dans la préface : "On a fait sauter assez de têtes chez [Gaëtan] Picon pour qu’il soit permis à un tâcheron de faire sauter la sienne". La dernière lettre à Queneau est écrite après la mort accidentelle de sa fille adolescente. Louis-René des Forêts explique qu’ils respirent l’irrespirable et qu’il ne peut que songer à réorganiser sa vie professionnelle, ne pouvant laisser son épouse Janine seule, même pour une demi-journée. Il souhaite pouvoir travailler chez lui et renoncer pour l’instant à son travail sur l’Encyclopédie. Deux lettres sont adressées à Janine Queneau, le 18 janvier 1945 et le 20 août 1946. La première évoque la mort de son frère, Georges, et la situation de deux de ses meilleurs amis en Allemagne : "les reverrais-je jamais ? - : je me sens entouré de vides". La seconde, de 6 pages, est une longue missive tâchant de trouver les mots de consolation pour son amie malheureuse, l’enjoignant à se montrer patiente "comme devant un malade, et confiante aussi comme devant un convalescent : il est peut-être l’un et l’autre" [Raymond Queneau eut durant l’année 1946 une liaison extraconjugale, relatée dans son Journal]. Les deux manuscrits autographes sont des fiches de lecture destinées au volume sur l’histoire des sciences à paraître dans l’Encyclopédie de la Pléiade : Esquisse d’une Histoire de la vie scientifique par Maurice Daumas et Les Sciences dans l’Antiquité et le Moyen-Age par Pierre Brunet.Des Forêts n’hésite pas à se montrer critique à l’égard du style parfois lourd et professoral de ces deux auteurs qui ne prennent pas assez en compte le public visé, et suggère de trouver un spécialiste capable de clarifier et de simplifier certains passages : "Bien dommage que Humbert, lui aussi soit †". Louis-René Pineau des Forêts (1918-2000) suit une brève formation en droit et sciences politiques, avant de se consacrer à la littérature. Mobilisé dès septembre 1938, il fait la campagne des Ardennes et de Belgique. À la démobilisation, il retourne s’installer dans la maison familiale, dans le Berry, s’engageant dans la Résistance à partir de 1943, dans le réseau "Comète" dont fait également partie sa future femme, Janine Carré.Après Les Mendiants et Le Bavard, écrits durant les années d’occupation, Louis-René des Forêts publie récits, poèmes et nouvelles qui lui valent la reconnaissance à partir des années 1960, recevant notamment le Prix des Critiques en 1960 pour La Chambre des enfants, le Prix Maeterlinck en 1988, le grand Prix national des Lettres pour l'ensemble de son œuvre en 1991 ou encore le Grand Prix de littérature de la Société des Gens de Lettres en 1997. [On joint :]Télégramme [Charost, 2 janvier 1943], à Raymond Queneau à Saint-Léonard de Noblat. Deux mois avant la suppression de la ligne de démarcation. Il informe de sa venue à Limoges et demande à rencontrer Queneau le jour qui lui conviendra [la lettre du 4 mars 1943 confirme que ce n’est pas à Limoges mais à Paris que Des Forêts et Queneau se rencontrèrent]. FROTTÉ, Jean de. Lettre autographe signée à Raymond Queneau, Château de Courterne (Orne) [janvier 1943] (1 page in-4). Il est chargé par Des Forêts de lui apprendre son arrestation : "Il a été pris au passage de la ligne de démarcation et est enfermé jusqu’au 2 mars dans la prison de Bourges. Il voudrait savoir quand ses épreuves lui parviendront ; je pense qu’il pourrait les recevoir en prison, mais je ne saurais vous dire où il ira ensuite – d’autant qu’il n’a pas 31 ans". Avec une enveloppe à en-tête de la NRF, à l’adresse dactylographiée de Louis des Forêts, cellule 39, prison de Bourges, biffée, mention manuscrite au crayon rouge : "Libéré". Jean de Frotté, qui faisait partie du même réseau de résistance que son ami, fut arrêté au Mans en juin 1944, déporté, abattu par les nazis, en avril 1945, à Lünebourg. 

Auction archive: Lot number 85
Auction:
Datum:
10 Jun 2024 - 27 Jun 2024
Auction house:
Sotheby's
34-35 New Bond St.
London, W1A 2AA
United Kingdom
+44 (0)20 7293 5000
+44 (0)20 7293 5989
Beschreibung:

Des Forêts, Louis-RenéCorrespondance à Raymond Queneau.28 lettres autographes signées, deux lettres dactylographiées dont une signée, et deux lettres autographes signées à Janine Queneau.Les Pluyes, Saint-Ambroix (Cher), 18 décembre 1942-17 août 1965.
65 pages in-4 ou in-8 (de 240 x 210 mm à 88 x 140 mm), dont deux cartes postales illustrées, 4 feuillets à en-tête de la NRF, une enveloppe. Très belle et riche correspondance d’un des écrivains les plus discrets et les plus sensibles de sa génération, abordant autant des sujets littéraires que des épisodes plus intimes. Avec deux manuscrits autographes relatifs à sa collaboration à l’Encyclopédie de la Pléiade. Si en 1942, Louis-René des Forêts s’adresse à Raymond Queneau [conseiller littéraire chez Gallimard] comme à un "cher Monsieur", ce sera très vite "cher ami", cher "Queneau" ou "cher Raymond", une amitié sincère naissant quasiment dès l’entrée en littérature de Des Forêts lorsqu’il envoie son contrat signé pour Les Mendiants à la NRF.Raymond Queneau se trouvant alors à Saint-Léonard de Noblat, près de Limoges [alors en zone libre], Louis-René des Forêts se propose de l’y rencontrer. Deux mois plus tard, il évoque cette rencontre qui a finalement eu lieu à Paris et qui lui a coûté cher puisqu’il vient de passer un mois en prison [voir la lettre jointe de Jean de Frotté]. "Après quelques vicissitudes, je suis chez moi depuis hier, heureux de retrouver l’air pur, le soleil et la liberté dont la privation m’a été très pénible, mais entre quatre murs, j’ai mûri beaucoup de projets", et il demande si Les Mendiants ont été admis par la censure allemande et quand il en recevra les épreuves. "Dans ma cellule, on ne m’avait donné pour toute lecture que les Œuvres complètes de Mme de Staël : je me remets avec quelque peine d’une indigestion de Corin[n]e et de Delphine". Et faisant une discrète allusion à son engagement dans la Résistance, il explique qu’il lui serait utile d’avoir entre les mains son contrat avec Gallimard : "il pourrait à un moment donné qui semble assez proche justifier de mes activités et m’éviter certains ennuis que vous devinez".13 juin 1943 : il se réjouit d’apprendre qu’il y aura un tirage de 10 exemplaires sur pur fil des Mendiants, souhaitant y souscrire à la quantité "maxima", puis demande à Queneau des conseils d’ordre médical pour soulager l’asthme dont souffre sa sœur.Il se dit déçu par les deux seuls articles reçus à propos des Mendiants par Marcel Arland et Jean-Pierre Maxence : "leur manie de classification tout arbitraire et la hâte manifeste avec laquelle ils ont examiné mon livre m'ont un peu surpris, mais je sais bien que c’est la règle".Durant l’hiver 1944, il est question de l’envoi de colis alimentaires, mais sans beurre : "Les vaches sont parcimonieuses et le ravitaillement d’une gloutonnerie !" et de son travail sur un nouveau roman : "je suis content d’avoir triomphé d’une inconfiance en moi-même qui devenait redoutable. Et je lis du Crébillon fils dont je m’étonne qu’il ne soit pas plus célèbre : connaissez-vous le Sopha ?" (15 février). "Je travaille beaucoup et avec plaisir. Et vous ? […] Songe-t-on à une réédition des Mendiants ou ne faut-il plus y compter" (3 mars).15 janvier 1945 : il revient d’un bref séjour à Paris pour avoir des renseignements sur les circonstances de la mort de son frère, tué dans l’Est : "J’étais sens dessus dessous et tout bouleversé ; ma sœur et moi ne l’avions pas revu depuis son débarquement en France et il était pour moi le meilleur des amis. Mais cette guerre n’en finit pas d’être atroce ! […] Je n’ai eu ni assez de temps ni l’esprit assez libre pour travailler sérieusement ces deux derniers mois. Et je ne suis pas trop content de la forme que prend ‘le Bavard’ ; je ne fais rien de bon et déchire sans cesse". En post-scriptum il annonce un prochain colis : "le canard vous arrivera un jour : quand ? Je ne puis vous le dire avec précision, bicose la difficulté de transport (comme dirait un de vos personnages)", et demande des conseils sur les livres qui paraissent chez Gallimard mais "ni Pyrrhus [Pyrrhus et Cinéas de Simone de Beauvoir] ni l’Aragon [Aurélien] que je possède".Il envoie, probablement pour le service de presse du Bavard, publié en 1946, comme demandé, un résumé de sa vie "en style télégraphique" mais n’a trouvé qu’une photographie de lui, indécente : "tout nu sur une plage. Naturellement, je ne vous l’envoie pas". Durant les années d’après-guerre, il collabore au comité de lecture de Gallimard et donne son avis sur des manuscrits, irrité par exemple par celui de [Charles] Rohmer "mais comme on dit c’est valable et aujourd’hui tout le monde adore ça".Par une lettre, illustrée de trois petits pictogrammes, un peu vulgaires avoue-t-il mais dont il n’est pas l’auteur, il recommande le manuscrit d’un auteur dont l’identité est révélée dans la lettre suivante, le 23 juin 1949 : Nicole Dutreil, épouse d’Yves de Boisanger, qui possède selon lui des dons d’écrivain peu communs.De Breuilpont (dans l’Eure), il s’est amusé à imprimer une lettre et une enveloppe. Il demande des précisions sur une curieuse entreprise dont il a entendu parler, "une encyclopédie par le film".Peut-être Queneau lui a-t-il proposé de participer au projet de "L'Encyclopédie filmée" qui devait être une série de courts métrages mêlant documents d’archives et séquences filmées ? Encyclopédie qui n’allait pas dépasser la lettre A. Queneau participa à l’un de ces films, réalisé par Pierre Kast, pour présenter l’Arithmétique.Et le 4 août 1950, Des Forêts dit renoncer au cinéma, s’embrouillant avec la pellicule et n’ayant pas la patience nécessaire à réaliser un montage. "J’aime mieux voir des films que d’en faire : décidément c’est très difficile".Il est question de musique : "Connaissez-vous le Rake’s Progress de Strawinsky ? Voilà un opéra qui aurait ravi Joyce, grand amateur de bel canto et lui-même pasticheur génial", de littérature : Saint Genet, comédien et martyr de Sartre, "on dirait un pastiche de Simone de Beauvoir" ; il a lu "avec beaucoup d’épatement" un roman de Marguerite Duras [Le Marin de Gibraltar ?], les articles d’un nommé Stone parus dans Les Temps modernes lui semblent une grande bouffonnerie. Lisant George Sand : "J’étais resté sur l’impression que cette dame était très antipathique (Baudelaire le dit, et dans quels termes !). Mais non. Connaissez-vous ses lettres à Flaubert ?" et en 1963, Des Forêts accuse Johnson et Butor, "un drôle d’oiseau celui-là", d’avoir coulé la Revue internationale. Il profite de séjours parisiens pour aller au théâtre et au cinéma : la mise en scène du Roi Lear par Peter Brook lui a paru trop soignée, trop ratissée, il s’est ennuyé à la projection des Abysses [de Nikos Papatakis], mais a trouvé très beau et passionnant L'Immortelle [réalisé par Alain Robbe-Grillet]. Le 9 mars 1952, il a soumis un manuscrit à Queneau dont le jugement mitigé le décide à abandonner ce roman : "Il ne me suffit nullement que ce ce roman soit très bien […] Ma ‘modestie’ si tant est que j’en aie, ne va pas jusque-là. Il y a longtemps que je sens confusément que je fais fausse route".À partir de 1954, il est conseiller littéraire pour l’Encyclopédie de la Pléiade, publiée par Gallimard sous la direction de Queneau, et rédige des rapports sur divers volumes encyclopédiques, appréciant particulièrement les études du mathématicien Pierre Humbert qui sait éviter le pédantisme et rendre vivants ces portraits de scientifiques tout en regrettant qu’il ne cite aucun savant contemporain : "On dirait qu’ils ne sont pas encore nés ! Pas un mot sur Einstein, ce qui est quand même un peu singulier". Parmi ses lectures, il y a bien évidemment les œuvres de Queneau : Pierrot mon ami, merveilleusement drôle et qui l’a enchanté, Les Ziaux sur lequel il ne peut lui donner qu’un jugement tout instinctif et personnel, Le Dimanche de la vie, dont il ose espérer un exemplaire numéroté. À propos de l’élection de Queneau à l’Académie Goncourt [le 3 mars 1951], il a reçu une lettre d’un ami qui l’a laissé rêveur et laisse à Queneau, s’il le souhaite, le soin de répondre à ce "philistin" : "Ces gens-là vous pardonneraient à la rigueur d’être Queneau, mais académicien Goncourt, voilà qui est un peu fort !" Au moment de la préparation du tome III de l’Histoire des littératures - Littératures françaises, connexes et marginales, toujours sous la direction de Queneau, il préfèrerait ne pas être cité dans la préface : "On a fait sauter assez de têtes chez [Gaëtan] Picon pour qu’il soit permis à un tâcheron de faire sauter la sienne". La dernière lettre à Queneau est écrite après la mort accidentelle de sa fille adolescente. Louis-René des Forêts explique qu’ils respirent l’irrespirable et qu’il ne peut que songer à réorganiser sa vie professionnelle, ne pouvant laisser son épouse Janine seule, même pour une demi-journée. Il souhaite pouvoir travailler chez lui et renoncer pour l’instant à son travail sur l’Encyclopédie. Deux lettres sont adressées à Janine Queneau, le 18 janvier 1945 et le 20 août 1946. La première évoque la mort de son frère, Georges, et la situation de deux de ses meilleurs amis en Allemagne : "les reverrais-je jamais ? - : je me sens entouré de vides". La seconde, de 6 pages, est une longue missive tâchant de trouver les mots de consolation pour son amie malheureuse, l’enjoignant à se montrer patiente "comme devant un malade, et confiante aussi comme devant un convalescent : il est peut-être l’un et l’autre" [Raymond Queneau eut durant l’année 1946 une liaison extraconjugale, relatée dans son Journal]. Les deux manuscrits autographes sont des fiches de lecture destinées au volume sur l’histoire des sciences à paraître dans l’Encyclopédie de la Pléiade : Esquisse d’une Histoire de la vie scientifique par Maurice Daumas et Les Sciences dans l’Antiquité et le Moyen-Age par Pierre Brunet.Des Forêts n’hésite pas à se montrer critique à l’égard du style parfois lourd et professoral de ces deux auteurs qui ne prennent pas assez en compte le public visé, et suggère de trouver un spécialiste capable de clarifier et de simplifier certains passages : "Bien dommage que Humbert, lui aussi soit †". Louis-René Pineau des Forêts (1918-2000) suit une brève formation en droit et sciences politiques, avant de se consacrer à la littérature. Mobilisé dès septembre 1938, il fait la campagne des Ardennes et de Belgique. À la démobilisation, il retourne s’installer dans la maison familiale, dans le Berry, s’engageant dans la Résistance à partir de 1943, dans le réseau "Comète" dont fait également partie sa future femme, Janine Carré.Après Les Mendiants et Le Bavard, écrits durant les années d’occupation, Louis-René des Forêts publie récits, poèmes et nouvelles qui lui valent la reconnaissance à partir des années 1960, recevant notamment le Prix des Critiques en 1960 pour La Chambre des enfants, le Prix Maeterlinck en 1988, le grand Prix national des Lettres pour l'ensemble de son œuvre en 1991 ou encore le Grand Prix de littérature de la Société des Gens de Lettres en 1997. [On joint :]Télégramme [Charost, 2 janvier 1943], à Raymond Queneau à Saint-Léonard de Noblat. Deux mois avant la suppression de la ligne de démarcation. Il informe de sa venue à Limoges et demande à rencontrer Queneau le jour qui lui conviendra [la lettre du 4 mars 1943 confirme que ce n’est pas à Limoges mais à Paris que Des Forêts et Queneau se rencontrèrent]. FROTTÉ, Jean de. Lettre autographe signée à Raymond Queneau, Château de Courterne (Orne) [janvier 1943] (1 page in-4). Il est chargé par Des Forêts de lui apprendre son arrestation : "Il a été pris au passage de la ligne de démarcation et est enfermé jusqu’au 2 mars dans la prison de Bourges. Il voudrait savoir quand ses épreuves lui parviendront ; je pense qu’il pourrait les recevoir en prison, mais je ne saurais vous dire où il ira ensuite – d’autant qu’il n’a pas 31 ans". Avec une enveloppe à en-tête de la NRF, à l’adresse dactylographiée de Louis des Forêts, cellule 39, prison de Bourges, biffée, mention manuscrite au crayon rouge : "Libéré". Jean de Frotté, qui faisait partie du même réseau de résistance que son ami, fut arrêté au Mans en juin 1944, déporté, abattu par les nazis, en avril 1945, à Lünebourg. 

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Datum:
10 Jun 2024 - 27 Jun 2024
Auction house:
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