BARBEY D'AUREVILLY (Jules). Lettre autographe signée à Charles Baudelaire Paris, 4 février 1859. « Pluie fine. Temps gris et à se griser. Rue Rousselet, – une laide rousse, 29 ». 3 pp. in-8 à l'encre rouge (sauf une petite apostille à l'encre brune), sur un papier raffiné à fin gaufrage étoilé, petite perforation portant atteinte à 2 lettres. Notamm ent sur trois poèmes des Fleurs du mal : « Le Voyage », « L'Albatros », et peut-être « Sisina » ou « Danse macabre ». Les deux premiers seraient imprimés à petit nombre à Honfleur à la fin de février, et les trois seraient ensuite publiés dans la Revue française du 10 avril 1859 puis intégrés en 1861 dans la seconde édition des Fleurs du mal. Charles Baudelaire et Jules Barbey d'Aurevilly entretinrent une véritable amitié, nourrie d'une admiration réciproque et d'une haine commune pour le matérialisme de leur époque. « Chère horreur de ma vie, je ne vous écris que deux mots. Un autre jour, vous en aurez quatre, mais aujourd'hui je suis à califourchon sur un éclair. Qu'il brille pour vous ! Vos vers sont magnifiq ues. Les trois pi èces – de vot re inspi ratio n la pl us enragée , ô ivrogne d'ennui, d'opi um et de blasp hèmes ! De pl us, "Le voyage" est d'un éla n lyrique, d'une ouverture d'ailes d'"Alba tros " que je ne vo us co nnaissais pas , crapule de génie ! Je vo us savais , en poésie , une sac rée vipère dégorgeant le venin sur les gorges des gouges & des garces , dans vot re ennui de vieux brag uard désespé ré. Mais voil à que les ailes ont poussé à la vipère et qu'elle mo nte , de nuée en nuée , monst re supe rbe, pour darder son poison jusque dans les yeux du soleil ... Arrêtons-nous, hein ? En voilà suffisamment sur votre éloge. Je ne veux pas vous faire aller à quatre pattes sur la côte de Honfleur more ferarum [à la manière des bêtes sauvages], Nabuchodonosor du Diable ! Que penseraient les jeunes filles de la côte si elles vous rencontraient dans cette indécente situation ? Mon cher ami, quand reviendrez-vous ? Quand pourrons-nous passer quelques bons moments ensemble ? Êtes-vous pour longtemps là-bas ?... Quelles sottes questions vous me faites faire, puisque vous me parlez de tout, excepté de votre retour – et de la durée de votre éloignement ? Répondez donc à cela. C'est là ce qui m'importe ! Madame Cousinet m'a demandé de vos nouvelles l'autre jour et voudrait vous revoir. Understand you ? J'ai promis que je vous le dirais et je vous le dis [le restaurateur Louis Cousinet était un des créanciers de Charles Baudelaire]. Rie n ici ! – Je vis comme le moine le pl us moine qui fut oncques , mais un moine piocheur et non paillard comme vous. J'ai une mise en train de trava ux formidables . Vous voyez donc Le Pays [journal auquel collaborait Barbey d'Aurevilly] là-bas ?... Aujourd'hui avec cette lettre, je vous mets à la poste mon article de mardi & je vous enverrais les précédents, si vous ne les aviez pas rencontrés, ô vieux-par-les-chemi ns ! dans vos chemins, semés de curés et de vendeuses de crevettes . Adieu, monst re. Ne déba uchez pe rsonne, et n'apprenez pas aux petites filles à faire des vers, selon vos méthodes de conception. J'ai écrit , à ce propos, un article sur Gautier [paru le 26 janvier 1859], Brard St-Omer de poésie [allusion à deux célèbres calligraphes et experts judiciaires en graphologie], mais poète de pa r le ciel ou l'enfer, et non de pa r sa théorie. Avez-vous lu cela (sur la réimpression d'Émaux et camées), une flèche de longueur à aller lui ouvrir le coeur jusqu'en Russie, s'il y est encore, mais sans lui faire le moindre mal ! [Gautier ne rentrerait qu'en mars de son voyage en Russie]... Pourquoi vo us aime-t-on, vicieux poètes ? Allo ns, aimez-moi un pe u aussi, quoique je vaille mieux que vo us... Bonjour Don Juan. Amusez-vous bien pour vous et pour moi. » Jules Barbey d'Aurevilly, Correspondance générale, t. VI, 1986, n° 1859/5. – Lettres à Charles Baudelaire p. 56-58.
BARBEY D'AUREVILLY (Jules). Lettre autographe signée à Charles Baudelaire Paris, 4 février 1859. « Pluie fine. Temps gris et à se griser. Rue Rousselet, – une laide rousse, 29 ». 3 pp. in-8 à l'encre rouge (sauf une petite apostille à l'encre brune), sur un papier raffiné à fin gaufrage étoilé, petite perforation portant atteinte à 2 lettres. Notamm ent sur trois poèmes des Fleurs du mal : « Le Voyage », « L'Albatros », et peut-être « Sisina » ou « Danse macabre ». Les deux premiers seraient imprimés à petit nombre à Honfleur à la fin de février, et les trois seraient ensuite publiés dans la Revue française du 10 avril 1859 puis intégrés en 1861 dans la seconde édition des Fleurs du mal. Charles Baudelaire et Jules Barbey d'Aurevilly entretinrent une véritable amitié, nourrie d'une admiration réciproque et d'une haine commune pour le matérialisme de leur époque. « Chère horreur de ma vie, je ne vous écris que deux mots. Un autre jour, vous en aurez quatre, mais aujourd'hui je suis à califourchon sur un éclair. Qu'il brille pour vous ! Vos vers sont magnifiq ues. Les trois pi èces – de vot re inspi ratio n la pl us enragée , ô ivrogne d'ennui, d'opi um et de blasp hèmes ! De pl us, "Le voyage" est d'un éla n lyrique, d'une ouverture d'ailes d'"Alba tros " que je ne vo us co nnaissais pas , crapule de génie ! Je vo us savais , en poésie , une sac rée vipère dégorgeant le venin sur les gorges des gouges & des garces , dans vot re ennui de vieux brag uard désespé ré. Mais voil à que les ailes ont poussé à la vipère et qu'elle mo nte , de nuée en nuée , monst re supe rbe, pour darder son poison jusque dans les yeux du soleil ... Arrêtons-nous, hein ? En voilà suffisamment sur votre éloge. Je ne veux pas vous faire aller à quatre pattes sur la côte de Honfleur more ferarum [à la manière des bêtes sauvages], Nabuchodonosor du Diable ! Que penseraient les jeunes filles de la côte si elles vous rencontraient dans cette indécente situation ? Mon cher ami, quand reviendrez-vous ? Quand pourrons-nous passer quelques bons moments ensemble ? Êtes-vous pour longtemps là-bas ?... Quelles sottes questions vous me faites faire, puisque vous me parlez de tout, excepté de votre retour – et de la durée de votre éloignement ? Répondez donc à cela. C'est là ce qui m'importe ! Madame Cousinet m'a demandé de vos nouvelles l'autre jour et voudrait vous revoir. Understand you ? J'ai promis que je vous le dirais et je vous le dis [le restaurateur Louis Cousinet était un des créanciers de Charles Baudelaire]. Rie n ici ! – Je vis comme le moine le pl us moine qui fut oncques , mais un moine piocheur et non paillard comme vous. J'ai une mise en train de trava ux formidables . Vous voyez donc Le Pays [journal auquel collaborait Barbey d'Aurevilly] là-bas ?... Aujourd'hui avec cette lettre, je vous mets à la poste mon article de mardi & je vous enverrais les précédents, si vous ne les aviez pas rencontrés, ô vieux-par-les-chemi ns ! dans vos chemins, semés de curés et de vendeuses de crevettes . Adieu, monst re. Ne déba uchez pe rsonne, et n'apprenez pas aux petites filles à faire des vers, selon vos méthodes de conception. J'ai écrit , à ce propos, un article sur Gautier [paru le 26 janvier 1859], Brard St-Omer de poésie [allusion à deux célèbres calligraphes et experts judiciaires en graphologie], mais poète de pa r le ciel ou l'enfer, et non de pa r sa théorie. Avez-vous lu cela (sur la réimpression d'Émaux et camées), une flèche de longueur à aller lui ouvrir le coeur jusqu'en Russie, s'il y est encore, mais sans lui faire le moindre mal ! [Gautier ne rentrerait qu'en mars de son voyage en Russie]... Pourquoi vo us aime-t-on, vicieux poètes ? Allo ns, aimez-moi un pe u aussi, quoique je vaille mieux que vo us... Bonjour Don Juan. Amusez-vous bien pour vous et pour moi. » Jules Barbey d'Aurevilly, Correspondance générale, t. VI, 1986, n° 1859/5. – Lettres à Charles Baudelaire p. 56-58.
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