APOLLINAIRE, Guillaume (1880-1918)
Le poète assassiné. Paris : Bibliothèque des curieux, 1916.
Le sang du poète : exceptionnel envoi autographe signé de Guillaume Apollinaire taché de son propre sang, en hommage à son ami André Dupont, tombé au front, à qui il dédie la dernière pièce du recueil.
Publié l’année de sa blessure à la tête par un éclat d’obus, Le poète assassiné d'Apollinaire n’aura jamais aussi bien porté son titre : l’exemplaire est enrichi d’un long envoi à Valentine Dupont, veuve d’un camarade mort au combat, dans lequel le poète présente ses "hommages très respectueux et tout saignants encore" et, joignant le geste à la parole, tache le feuillet d’une goutte de son propre sang. La coulée de sang traverse les pages voisines jusqu'au portrait d'Apollinaire portant des bandages et matérialise l'illustration de couverture, sur laquelle seule une plaie béante, rouge, se détache du visage du cavalier.
« A vous qui gardez le souvenir profond d’un de mes meilleurs Amis, j’envoie, ma chère et charmante Valentine mes hommages très respectueux et tout saignants encore du souvenir du charmant André Dupont / Je vous baise la main / Guillaume Apollinaire »
Journaliste et critique littéraire, André Dupont (1884-1916) fut l’ami de Léon Bloy et Guillaume Apollinaire qui l’aidèrent à lancer sa carrière : il écrivit des articles pour L'Intransigeant et publia plusieurs "Silhouettes au fiel et au miel", portraits sans concessions de personnalités allant d'Anatole France à Octave Mirbeau, dans les Soirées de Paris, dont Apollinaire avait repris la direction pour la deuxième série. Bien que souffrant de myopie, Dupont fut mobilisé en août 1914, quelques mois avant que la seconde demande d'engagement d'Apollinaire fut acceptée. Pendant la guerre, les deux hommes entretinrent une riche correspondance, le poète encourageant son ami à lui écrire : « Mon cher André Dupont adieu / […] Ayez donc la lettre facile. » (8 février 1915) Les deux hommes partagèrent l’expérience de la vie de soldat dans les tranchées, retranscrite par Apollinaire dans ses lettres à Dupont : « Les obus miaulaient en s’amenant en foule… / Dis-moi, t’en souviens-tu, soldat, de ce soir-là ? / Le beau ciel champenois est sur son tralala… / Les obus, ma parole, / Jouaient à pigeon-vole… / Ils tombent à trois pas de nous, mon vieux Dupont… / […] / Adieu donc, mon cher ami, / Ne vivez pas à demi / Car la vie aujourd’hui, mon cher est précieuse… / Les obus miaulaient, ô nuit mystérieuse !... » (Apollinaire à Dupont, 24 avril 1915)
De cet ami disparu trop vite, le poète retiendra surtout son "esprit vif et endiablé". Funeste présage, Apollinaire lui avait écrit le 1er février 1915 : « Tant d’hommes sur le front meurent en ce moment / Que c’est un vrai plaisir de saigner seulement ». André Dupont fut tué le 5 mars 1916 pendant la bataille de Verdun. Apollinaire, atteint à la tête par un éclat d’obus le 16 mars de la même année, fut sans doute frappé par la coïncidence entre ce décès et sa propre blessure : alors que Le Poète assassiné est déjà sous presse, il rajoute un dernier texte au livre, dédié à la mémoire de son ami disparu. Le "cas du brigadier masqué, c'est-à-dire le poèté ressuscité" vient clore le recueil en lui insufflant une cohérence nouvelle, l'ouvrage s'ouvrant sur "le poète assassiné" et l'ultime texte évoquant à présent un "poète ressuscité".
Envoi cité dans Le livre et l'estampe, "Index des dédicaces de Guillaume Apollinaire", 1989, n° 132, pp. 225-226 ; Talvart, I, 12A ; Oeuvres poétiques, pp. 807-809 ; Oeuvres en prose complètes, I, pp. 382 et suiv. et 1318 et suiv. ; G. Apollinaire, Les obus miaulaient, 2014 ; B. Le Roux, "André et Valentine Dupont, Deux jeunes amis du vieux Léon Bloy", in Léon Bloy dans l'Histoire, pp. 273-292.
In-12 (183 x 115 mm). Édition originale, dont il n’a pas été tiré de grand papier. Illustré d’un portrait de l’auteur par Rouveyre en frontispice, et d’un dessin de Cappiello représentant un cavalier à la tête ensanglantée reproduit en couverture. Reliure signée de Paul Bonet, sa seule reliure sur Le Poète assassiné, datée 1962 (Carnets, n° 1377) : box chocolat et crème séparés par un motif vertical "irrégulier, composé de pointes multiples horizontales – la partie de gauche est dans une gamme de rouge, celle de droite verte – quelques touches de blanc les séparent", dos lisse titré or, doublures et gardes de daim beige et chocolat respectivement bordées de box vert d’eau et rose, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés. Étui et chemise (chemise restaurée).
Provenance : Valentine Dupont (1885-1922 ; envoi) -- Daniel Sickles (1900-1988 ; vente "Bibliothèque d'un amateur, livres et manuscrits : Guillaume Apollinaire Robert de Montesquiou, Marcel Proust", 10 avril 1987, n° 59)
The most desirable copy of Le poète assassiné: inscribed by Apollinaire to the widow of a friend killed during the war, with a stain of the poet's own blood. André Dupont was a journalist and friend of Apollinaire, who died two weeks before the poet was injured at the head by a shrapnel. While the book was about to be published, Apollinaire decided to add a last text, dedicated to the memory of André Dupont. First edition, this copy in a fine inlaid binding by Paul Bonet, the only binding he did for the first edition of the book.
APOLLINAIRE, Guillaume (1880-1918)
Le poète assassiné. Paris : Bibliothèque des curieux, 1916.
Le sang du poète : exceptionnel envoi autographe signé de Guillaume Apollinaire taché de son propre sang, en hommage à son ami André Dupont, tombé au front, à qui il dédie la dernière pièce du recueil.
Publié l’année de sa blessure à la tête par un éclat d’obus, Le poète assassiné d'Apollinaire n’aura jamais aussi bien porté son titre : l’exemplaire est enrichi d’un long envoi à Valentine Dupont, veuve d’un camarade mort au combat, dans lequel le poète présente ses "hommages très respectueux et tout saignants encore" et, joignant le geste à la parole, tache le feuillet d’une goutte de son propre sang. La coulée de sang traverse les pages voisines jusqu'au portrait d'Apollinaire portant des bandages et matérialise l'illustration de couverture, sur laquelle seule une plaie béante, rouge, se détache du visage du cavalier.
« A vous qui gardez le souvenir profond d’un de mes meilleurs Amis, j’envoie, ma chère et charmante Valentine mes hommages très respectueux et tout saignants encore du souvenir du charmant André Dupont / Je vous baise la main / Guillaume Apollinaire »
Journaliste et critique littéraire, André Dupont (1884-1916) fut l’ami de Léon Bloy et Guillaume Apollinaire qui l’aidèrent à lancer sa carrière : il écrivit des articles pour L'Intransigeant et publia plusieurs "Silhouettes au fiel et au miel", portraits sans concessions de personnalités allant d'Anatole France à Octave Mirbeau, dans les Soirées de Paris, dont Apollinaire avait repris la direction pour la deuxième série. Bien que souffrant de myopie, Dupont fut mobilisé en août 1914, quelques mois avant que la seconde demande d'engagement d'Apollinaire fut acceptée. Pendant la guerre, les deux hommes entretinrent une riche correspondance, le poète encourageant son ami à lui écrire : « Mon cher André Dupont adieu / […] Ayez donc la lettre facile. » (8 février 1915) Les deux hommes partagèrent l’expérience de la vie de soldat dans les tranchées, retranscrite par Apollinaire dans ses lettres à Dupont : « Les obus miaulaient en s’amenant en foule… / Dis-moi, t’en souviens-tu, soldat, de ce soir-là ? / Le beau ciel champenois est sur son tralala… / Les obus, ma parole, / Jouaient à pigeon-vole… / Ils tombent à trois pas de nous, mon vieux Dupont… / […] / Adieu donc, mon cher ami, / Ne vivez pas à demi / Car la vie aujourd’hui, mon cher est précieuse… / Les obus miaulaient, ô nuit mystérieuse !... » (Apollinaire à Dupont, 24 avril 1915)
De cet ami disparu trop vite, le poète retiendra surtout son "esprit vif et endiablé". Funeste présage, Apollinaire lui avait écrit le 1er février 1915 : « Tant d’hommes sur le front meurent en ce moment / Que c’est un vrai plaisir de saigner seulement ». André Dupont fut tué le 5 mars 1916 pendant la bataille de Verdun. Apollinaire, atteint à la tête par un éclat d’obus le 16 mars de la même année, fut sans doute frappé par la coïncidence entre ce décès et sa propre blessure : alors que Le Poète assassiné est déjà sous presse, il rajoute un dernier texte au livre, dédié à la mémoire de son ami disparu. Le "cas du brigadier masqué, c'est-à-dire le poèté ressuscité" vient clore le recueil en lui insufflant une cohérence nouvelle, l'ouvrage s'ouvrant sur "le poète assassiné" et l'ultime texte évoquant à présent un "poète ressuscité".
Envoi cité dans Le livre et l'estampe, "Index des dédicaces de Guillaume Apollinaire", 1989, n° 132, pp. 225-226 ; Talvart, I, 12A ; Oeuvres poétiques, pp. 807-809 ; Oeuvres en prose complètes, I, pp. 382 et suiv. et 1318 et suiv. ; G. Apollinaire, Les obus miaulaient, 2014 ; B. Le Roux, "André et Valentine Dupont, Deux jeunes amis du vieux Léon Bloy", in Léon Bloy dans l'Histoire, pp. 273-292.
In-12 (183 x 115 mm). Édition originale, dont il n’a pas été tiré de grand papier. Illustré d’un portrait de l’auteur par Rouveyre en frontispice, et d’un dessin de Cappiello représentant un cavalier à la tête ensanglantée reproduit en couverture. Reliure signée de Paul Bonet, sa seule reliure sur Le Poète assassiné, datée 1962 (Carnets, n° 1377) : box chocolat et crème séparés par un motif vertical "irrégulier, composé de pointes multiples horizontales – la partie de gauche est dans une gamme de rouge, celle de droite verte – quelques touches de blanc les séparent", dos lisse titré or, doublures et gardes de daim beige et chocolat respectivement bordées de box vert d’eau et rose, tranches dorées sur témoins, couverture et dos conservés. Étui et chemise (chemise restaurée).
Provenance : Valentine Dupont (1885-1922 ; envoi) -- Daniel Sickles (1900-1988 ; vente "Bibliothèque d'un amateur, livres et manuscrits : Guillaume Apollinaire Robert de Montesquiou, Marcel Proust", 10 avril 1987, n° 59)
The most desirable copy of Le poète assassiné: inscribed by Apollinaire to the widow of a friend killed during the war, with a stain of the poet's own blood. André Dupont was a journalist and friend of Apollinaire, who died two weeks before the poet was injured at the head by a shrapnel. While the book was about to be published, Apollinaire decided to add a last text, dedicated to the memory of André Dupont. First edition, this copy in a fine inlaid binding by Paul Bonet, the only binding he did for the first edition of the book.
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